Mardi 4 juillet 2017
Le jour de la fête nationale, Independence Day, dans toutes les villes du pays, la tradition est d’assister à une parade civile constituée de multiples véhicules et corps de métier. Cela ne fait néanmoins pas partie de notre programme. En ce dernier jour du weekend, nous allons nous-mêmes parader dans des endroits très différents : prairie bisonneuse, caverne venteuse, carrière paléontologique et ruines militaires.
C’est de bonne heure que nous nous levons. A peine debout, nos voisins nous informent que pendant l’heure précédente, un bison a décidé de passer quelques temps à seulement quelques mètres de la tente. Heureusement qu’aucune n’envie pressante ne s’est déclarée, le bovidé aurait été surement aussi surpris que nous. Et vu le caractère d’Hélène au réveil, la bête aurait sans nul doute finie en entrecôte. Pour la dernière fois, nous rangeons le camp avant de réemprunter une partie de la wildlife loop road en direction du sud. On en profite au passage pour essayer de trouver notre visiteur matinal parmi la harde du parc.
L’entretien des pelouses laisse à désirer.
Petit bilan de Custer State Park. Il ne faut pas s’attendre à un site grandiose comme peuvent l’être Yellowstone, Grand Canyon ou Arches. Le parc est vraiment porté sur la nature, la verdure. Nous avons apprécié les paysages granitiques montagneux et tout en rondeur des Black Hills, toute la forme qui se laisse approcher dans les multiples routes scéniques ou encore l’espace et la tranquillité des campings. Le parc nous a semblé un endroit calme, familial qui donne vraiment envie de se poser quelques jours.
C’est par le portail sud qui nous quittons Custer SP pour entrer directement dans le :
6ème parc national chronologiquement, proclamé en 1903, cet espace protégé possède deux facettes à explorer. Tout d’abord, les grottes qui lui ont donné son nom, et sa surface vallonnée et peuplée de la faune des Black Hills. Dès le portail, une multitude de chiens de prairie nous accueille d’ailleurs. Selon les traditions des indiens Lakotas, les Wind Cave sont les lieux d’où a surgi le premier bison. Le spécimen sacré a semble-t-il fait du bon boulot car ce sont des troupeaux entiers que nous croisons. Là encore, de nombreux jeunes individus montrent le renouveau d’une espèce que la chasse a poussé à la lisière de l’extinction. C’est d’ailleurs l’un des seuls 4 troupeaux n’ayant pas été réintroduits en Amérique du nord.
Pas besoin de le cacher, si la surface est charmante, c’est bien le sous-sol du parc qui nous émoustille. Nous avons fait en sorte d’arriver de bonne heure. En effet, pas de réservation pour les visites guidées des grottes. C’est la règle du premier arrivé premier servi qui fait loi. Plusieurs tours de différentes longueurs sont disponibles. Nous jetons notre dévolue sur le Fairgrounds Cave tour qui débute environ une heure après notre arrivée (pas de point de comparaison, nous ne ferons qu’une visite) – $12 par personne. On s’occupe dans le petit musée et dans la boutique du visitor center avant de rejoindre les ascenseurs qui vont nous mener dans les entrailles de la terre.
Les images comme les mots sont délicats à trouver pour décrire cette visite souterraine. La progression se fait dans de sombres couloirs étroits. Les souterrains s’étalent sur plusieurs niveaux, formant l’un des réseaux les plus denses et complexes du monde. Les scientifiques estiment que 5% de ce système souterrain a été exploré et cartographié. Ici, pas vraiment de grandes salles aux allures homériques. La visite est finalement assez intimiste. Sans être spécialiste en spéléologie, on remarque rapidement que l’environnement est sec. Très peu des classiques stalagmites et stalactites ou autres concrétions calcaires. A la place, on observe les minéraux qui affleurent sous diverses formes : cristaux, popcorn et surtout des réseaux compliqués de dentelles de calcite, les boxwork. Ces édifices sont assez uniques selon la ranger qui nous guide. Leur formation est un mystère pour la science.
Le guide profite d’un petit amphithéâtre pour nous faire expérimenter l’obscurité totale dans la grotte, grand classique dans ce genre de visite. Puis, tout en nous présentant les points géologiques remarquables, elle nous parle de l’histoire du parc. Les grottes auraient été découvertes en 1881 par deux jeunes hommes, les frères Bingham, interloqués par le bruit du vent jaillissant d’un trou dans le sol. En se penchant pour essayer d’y voir plus clair, les différences de pression atmosphériques entre intérieur et extérieur provoquent un jaillissement d’air qui envoie aux nues le chapeau de l’un des frères. Le nom de Wind Cave (les grottes venteuses) étaient adoptés. S’ensuivit rapidement une exploitation touristique privée avant que l’état fédéral ne préempte les lieux pour les classer au statut de parc national.
La visite se termine en 1h30. Dans notre quête pour voir tous les parcs nationaux, Wind Cave NP était un passage obligé. La surface du parc, très similaire à Custer SP, avec de la faune en quantité. Pour les grottes, la visite est un peu mitigée. Nous n’avons pas retrouvé le gigantisme et la féérie que l’on avait trouvés à Carslbad Caverns au Texas. Néanmoins, dans l’optique de découvrir quelque chose de différent, une nouvelle création de la nature, ce parc remplit agréablement son rôle.
La dualité entre deux mondes séparés de quelques mètres verticaux est intéressante. 2 expériences dans un lieu unique. Pas la peine de sur jouer l’enthousiasme, c’est probablement un des parcs nationaux qui m’aura le moins impressionné. Mais j’en conseillerais quand même la visite en cas de séjour dans la région, à condition ne pas trop être claustrophobe. A part si comme nous vous choisissez de le découvrir un jour férié, il aura le mérite de vous faire éviter les foules en restant au frais (12 degrés toute l’année). Pour un peu plus de sensations, cela vaut peut-être le coup de viser les tours s’opérant à la chandelle ou carrément les initiations à la spéléo proposés par les rangers.
Nous reprenons la route vers le sud. Juste à la sortie du parc, nous atteignons la petite ville de Hot Springs. Peu de restaurant ouvert mais l’on trouve quand même un dinner où des burgers nous sustenterons. Il faut reprendre des forces, après être descendu sous la terre, le voyage qui nous attend est temporel. Nous allons remonter le temps d’environ 25 000 ans pour nous retrouver dans la phase la plus tardive du Pleistocène. Le Mammoth site de Hot Springs est un musée et un lieu de recherche paléontologique toujours actif.
Au milieu des années 70, un constructeur local met à jour à coup de bulldozer d’étranges ossements pendant les travaux d’un lotissement. Le patron essaie de contacter sans réussite des universitaires afin d’identifier les découvertes. Son fils reconnait une dent de mammouth et parviens à joindre son ancien professeur de géologie à l’université. Celui-ci accepte de se déplacer et identifie avec surprise les restes entremêlés d’au moins 10 mammouths. Devant l’excitation des chercheurs, le propriétaire du terrain, Phil Anderson réalise que celui-ci sera plus utile à la science qu’à l’immobilier et le cède gratuitement à une association chargé de construire un musée tout en continuant les fouilles.
Aujourd’hui, les scientifiques pensent que les lieux étaient une dépression dont le fond était rempli d’eau. Voulant se désaltérer, les animaux se faisaient piéger et n’arrivaient pas à s’en sortir. A fil des pluies et des sécheresses, les sédiments ont emprisonné les squelettes de mammouths pour les restituer de nos jours.
Le bâtiment comporte deux parties : une exposition sur ces immenses mammifères préhistoriques et un hangar au milieu duquel les chercheurs travaillent encore. Des passerelles permettent aux visiteurs d’observer les ossements affleurant et les paléontologues travaillant dessus. Émerveillé depuis l’enfance par ce métier, j’ai trouvé la visite super intéressante. On apprend beaucoup sur les techniques utilisées et la minutie déployée lors de ces recherches. Au jour d’aujourd’hui, les restes de 61 animaux ont été retrouvé (58 mammouths nord-américains et 3 mammouths à poil laineux). Les crânes et les défenses sont particulièrement impressionnants.
La visite du musée et celle du centre de recherche de renommé mondial sur ces imposants mammifères disparu nous a pris environ une heure et demi et nous a vraiment enthousiasmé. Je recommande fortement.
Nous sortons pour de bon des Black Hill, 2 bonnes heures de route nous attendent jusqu’à notre prochaine pause. Les paysages se transforment tandis que nous traversons les plaines du Dakota du Sud et du Wyoming. L’environnement devient plus rural, les cultures et l’élevage règnent en maître. L’horizon n’est plus troublé que par quelques fermes solitaires ou des villages décrépis dont on se demande bien comment les habitants font pour survivre. Nous arrivons sans encombre à la dernière pause de notre périple :
Ancien comptoir commercial préempté par les autorités militaires en 1849, le fort était à la fois un édifice défensif chargé de protéger la piste de l’Oregon et un pôle économique prospère. Le fort a connu un rôle crucial durant les guerres indiennes avant de perdre petit à petit son importance stratégique au fur et à mesure du développement du rail. Aujourd’hui, les baraquements restaurés ainsi que quelques autres bâtiments subsistent, un peu dans le même esprit que nous avions rencontré à Fort Davies au Texas.
Pendant que nous débutons la visite, une troupe d’enfants grimés en soldat procède à une cérémonie de descente en drapeau. Les enfants ont passé une partie de leur après-midi à faire revivre le vieux fort en ce jour de fête national. Ornés d’une jaquette sombre, d’un képi et d’un fusil d’opérette, les bambins défilent sous les regards fiers de leurs parents.
Le fort consiste en une vingtaine de bâtiments disposés en rectangle. Si quelques-uns comme la prison ou l’église sont présentés sans fioriture, quelques-uns comme les écuries, les baraquements ou les quartiers des officiers sont figés dans leur jus d’époque. Une constante, pas de télé, pas de wifi, engagez-vous qu’ils disaient !
Le fort mérite bien cette petite pause sur la route. Une grosse heure de visite est suffisante. Dans notre cas, le fait d’avoir déjà visité un fort similaire faisait un peu redite. Pas vraiment fan de la chose militaire, et d’autant plus quand on connaissant le rôle (et les massacres) de la cavalerie dans la guerre indienne, la visite peut clairement déranger. L’avantage, in fine, c’est que cela nous a permis de dégourdir nos pattes.
Ceci me permet de clôturer ce road trip commencé sur les pistes des pionniers à Scottsbluff. Alors que nous rentrons vers Boulder et son feu d’artifice (spoiler : trop fatigué, on préfèrera rester à la maison pour écouter seulement les explosions), il convient de tirer un bilan de ce weekend. Notre visite a été marquée de références historiques à propos des pistes traversant le pays vers l’ouest et les interactions tragiques avec les indiens.
Le périple nous a permis de découvrir un petit bijou, Badlands NP qu’on peut facilement placer au niveau des parcs plus connus en termes d’effet WAHOU. La faune de Custer SP est aussi sympa même si c’est difficile de comparer avec le Yellowstone visité l’an passé. Les bisons sont toujours impressionnants. Le camping dans le parc nous fait passer de bons moments. Enfin, petite mention pour le Mt Rushmore. La sculpture occupe un tel espace dans l’Amérique fantasmé de l’imaginaire collectif que j’avais vraiment peur d’atterrir dans une caricature de patriotisme. Au final, bonne surprise, le site est relativement naturel et bien aménagé et les têtes présidentielles sont impressionnantes de réalisme.
Ce circuit de quelques jours peut s’intégrer dans une boucle plus large au détour de Denver vers les merveilles du Wyoming. Pensez-y !