4 juillet, date de l’Independance Day, la fête nationale américaine. Cela tombe bien puisque que nous avons décidé d’aller visiter un lieu qui titille, à coup sûr, la fibre patriotique états-unienne. Notre route nous amènera au Nord Est du Colorado, par-delà le Nebraska vers la partie méridionale du Dakota du Sud. Au programme, des mauvaises terres, des cavernes venteuses, des collines noires, les seigneurs des plaines infinies et les 4 plus grands présidents de l’histoire – et oui, la taille ça compte.
Vendredi 30 juin 2017
Schéma habituel, à peine libéré, délivré du travail, je rejoins une voiture déjà remplie de matériel de camping, de provisions aussi bien solides que liquides et de copains (Hélène, Maïca (notre amie de San Francisco), Alice et Pascal – un couple d’ami Italo-franco-helvète (ouais ça fait beaucoup)). Sans perdre de temps, nous embarquons en direction du nord. Dans un premier temps, Cheyenne, capitale du Wyoming et du rodéo est contournée sans un regard. Puis, nous nous engageons dans les plaines vides du Wyoming et du Nebraska jusqu’à retrouver la civilisation à ScottBluff, Ne après un peu plus de 3 heures de route. Là, un diner vite expédié et une nuitée dans un motel quelconque feront officie de prélude au véritable début de l’aventure.
Samedi 01 juillet 2017
Etat profondément rural, au cœur du Midwest et de ses plaines, le Nebraska ou Cornhusher State (littéralement l’état des décortiqueurs de maïs !) n’a pas la chance d’avoir une attraction exceptionnelle comme peut l’être Yellowstone chez son voisin direct. Ce n’est pas pour cela qu’il est totalement dénué d’intérêt touristique. Outre ses cultivateurs et ses éleveurs, ceux qui ont fait l’histoire du Nebraska sont ceux qui l’ont traversé dans leur migration vers l’ouest.
Dans leur chariot surmonté de toile blanche, ces voyageurs partirent de l’est du pays, suivant les fameuses pistes de l’Oregon, de la Californie ou des mormons en quête d’un avenir meilleur. 5 à 6 mois de trajet étaient nécessaires pour rallier le Pacifique dans une traversée périlleuse de plus de 3200 kilomètres. De 1850 à 1880, on estime à près de 250 000 le nombre de personne ayant emprunté la piste avant que le train ne devienne le moyen de transport privilégié.
Depuis Omaha, la ville principale de l’état situé à sa frontière est, les pionniers suivaient la North Platte River sensée leur permettre un approvisionnement régulier en eau et en viande (du fait des nombreux bisons paissant sur ses rives). Les conducteurs des attelages, héritiers des trappeurs français ayant tracés la piste, s’aidaient pour naviguer des quelques reliefs qui se détachaient sur les mornes plaines.
Scott Bluff National Monument était l’un de ses points de repère. Ces gigantesques promontoires jumeaux permettaient de se diriger au cœur de Mitchell Pass, route entouré de deux larges falaises South Bluff et Scott Bluff. C’est au pied de cette dernière que se trouve un très intéressant visitor center dédié sur les conditions de voyage des pionniers sur l’Oregon Trail. Des objets d’époque et des tableaux sont autant de témoignages de cette époque révolue. On mesure bien le courage ou le désespoir qu’il fallait à ces femmes et hommes pour s’aventurer sur ce périple. Maladies, tempêtes, froids intenses, indiens, on peine à s’imaginer tous les risques affrontés et les décomptes macabres listés dans le musée. A l’extérieur, des reconstitutions de chariots redonnent une existence physique à ce qui tenait lieu de maison comme de moyen de transport. Les vaches en plastique sont d’ailleurs particulièrement réussies … Ou pas !
Un sentier permet de monter sur Scott Bluff, malheureusement, il est fermé pour cause d’éboulement. Nous gravissons donc en voiture ce qui semble être la seule route tortueuse du Nebraska (objectivement tout le reste n’est que ligne droite). Du sommet, deux petites boucles offrent des vues dégagées sur les plaines alentours et la ville de Scottbluff (notez la différence inexpliquée d’orthographe). On distingue bien le passage entre les deux falaises. Bon, ce n’est pas exceptionnel non plus mais par son aspect culturel, le parc mérite bien la bonne heure que nous y avons consacré. Une étape cohérente en direction du Dakota du Sud.
Nous empruntons maintenant la piste (aujourd’hui rénovée) de l’Oregon à rebours. L’étape précédente, le repère visuel avant Scott Bluff était Chimney Rock. Après avoir suivi la North Platte River sur 25 miles, nous nous retrouvons en face de cette grande aiguille claire d’une centaine de mètre de haut. Il est facile d’imaginer l’importance et le soulagement que pouvait représenter ce marqueur pour les pionniers dans leur route vers le Pacifique.
Après cette première partie de journée historico-culturelle, nous allons effectuer une visite pour le moins originale. Une heure de route nous amène dans la petite ville d’Alliance. Nous entrons dans une œuvre d’art contemporaine géante à ciel ouvert. Construite par Jim Reinders en 1947, Carhenge est une réplique du site mégalithique anglais de Stonehenge, les pierres des dolmens étant ici remplacées par des carcasses de voitures anciennes. Vraiment surprenant.
Le site se visite en une trentaine de minutes. Un petit circuit permet de s’aventurer autour des dolmens métalliques. Quelques sculptures, toujours à base de cadavres d’automobile sont également disséminée sur le site. Une pause étonnante et vraiment sympa.
Une grosse portion de route nous attend. Nous allons rouler en direction du nord pendant trois heures en traversant la réserve indienne de Pine Ridge. Nous ne prenons pas vraiment le temps de nous arrêter mais ne pouvons que remarquer la précarité dans laquelle les natifs vivent ici. J’avais envisagé une pause au site historique de Wooden Knee, lieu d’un des derniers massacres de civils indiens par les militaires américains (160 à 300 morts en 1890). Par manque de temps, nous avons dû faire l’impasse.
Le GPS nous mène sur une piste à notre grande surprise. La voiture est faite pour ça, ce n’est pas un problème. Perdus au milieu de rien, on flippe un peu de crever, de se retrouver sans assistance. La petite angoisse se dissipe vite lorsque l’on arrive en vue d’Interior et que l’on commence à distinguer les reliefs des Badlands se découpant à l’horizon.
Etabli en 1978, ce parc national tout en longueur, situé dans le quart sud-est du South Dakota, possède deux parties distinctes. Stronghold Unit, la partie Sud est gérée par les tribus indiennes de la réserve de Pine Ridge. Peu développée, elle est réservée aux aventuriers chevronnés. La partie nord, celle dans laquelle nous pénétrons est construite autour d’une route scénique et d’une piste. Quelques randonnées permettent de parcourir les mauvaises terres et d’en découvrir les milles nuances. Pour finir avec les renseignements pratiques, il faut ajouter qu’il existe deux campings et un lodge pour passer la nuit dans le parc. Nous avons justement réservé un emplacement au Cedar Pass Campgound. Ayant passé un bon moment à étudier la carte du camp avant de réserver, je suis assez content du résultat en découvrant l’emplacement. Voyez plutôt.
Premier réflexe désormais pavlovien : une visite au Visitor Center. On s’enquiert auprès des rangers des balades à faire, des panoramas immanquables, de LA vue parfaite pour le coucher du soleil. Un carte interactive dernier cri et mise à jour en temps réel permet de situer précisément où observer les animaux. Charmant.
Nous débutons la visite par une courte mise en jambe, le Cliff Shelf Nature trail. Ne posant aucune difficulté, ce kilomètre à parcourir sur des pontons de bois permet d’avoir un beau panorama sur le mur que constituent les Badlands. Alors que la plaine s’étend comme une mer verte et paisible à perte de vue, la cicatrice rosâtre surgit du sol de manière abrupte ; presque incongrue. C’est très surprenant. Je profite des lieux pour essayer mes nouvelles jumelles sur quelques rapaces qui se sont approprié le ciel.
Nous repartons par-delà Cedar Pass jusqu’au départ de la randonnée The Notch (l’entaille en français). Cet aller-retour d’environ 2.5 kilomètres permet de s’enfoncer entre deux parois dénudés qui forment un petit canyon. On observe un peu plus précisément la composition géologique des terres. Mine de rien, elles paraissent vachement friables. On a une alternance de strates pastel : roses, crème, écrues, saumon quelquefois. Tandis que le soleil descend, des ombres inquiétantes sont projetées sous les reliefs décharnés.
Climax sportif de la marche, une échelle d’une trentaine de mètre reste à gravir. Malgré mon vertige et quelques derniers barreaux non solidaires de la paroi, l’obstacle est passé les doigts dans le nez (enfin plutôt les doigts nerveusement crispés sur les barreaux). Nous franchissons les derniers mètres de crête qui nous séparent de l’entaille à proprement parler. Celle-ci forme une ouverture dans la paroi laissant apparaitre dans toute leur majesté le récif que forment les Badlands dans l’océan des grandes plaines. C’est magnifique.
Sur la route du retour, nous observons une bande d’écureuil espiègle qui se disputent un trognon de pomme. Les petits mammifères ont pris possession des porosités de la falaise. Ladite falaise s’illumine d’ailleurs progressivement alors que l’on s’approche du coucher du soleil. La rando nous aura pris environ 1 heure. Il est temps de reprendre la voiture pour un feu d’artifice final à Bigfoot Pass.
Chemin faisant, nous rencontrons le seigneur des lieux. Un fier mouflon – ou bighorn sheep – se déplace au bord de la route. L’individu aux longues cornes recourbées est majestueux et fier au possible.
Nous arrivons au point de vue voulu au pas de course, juste à temps pour saisir les dernières lueurs de cette journée bien remplie. Les Badlands s’enflamment alors tandis que l’astre du jour nous offre un magnifique spectacle. Une fois caché, il ne laisse dernière lui que les silhouettes décharnées des reliefs assombris. Quel show.
C’est dans une obscure, sombre et sans lumière nuit noire (comment ça c’est redondant ?) que nous rentrons au campement. Alice, en bonne italienne, prend en main la cuisson al dente des pastas. Maïca, en bonne astrophysicienne, profite du ciel sans une once de pollution lumineuse pour nous offrir un cours privé sur les corps céleste visibles ce soir-là : Venus, Mars, les reliefs de la lune. Ce peu de science nous épuisera suffisamment pour que nous passions une très bonne nuit sous les étoiles.
Floran,
Tu vas être prêt pour les courses landaises dans les rues !
La façon dont tu défies du regard les bêtes sur la 1ère photo est impressionnante ….